Interview donnée et parue le 30 mai 2017 sur le site evian-bebe.fr
Contrairement aux idées reçues, le baby-blues et la dépression post-partum touchent aussi les papas. Fatigue, mal-être, difficulté à trouver sa place… Comment les distinguer et, surtout, comment aider les pères à passer le cap et mieux vivre l’arrivée de leur bout de chou ? Voici les conseils de la psychologue Yveline Exbrayat.
Devenir père est bel et bien une aventure merveilleuse, mais c’est aussi un véritable bouleversement ! « Alors que la maman a 9 mois de grossesse pour se préparer à son nouveau rôle, le papa ne rencontre réellement son bébé qu’au moment de la naissance. C’est un peu comme s’il devenait père du jour au lendemain » explique la psychologue. Bien sûr, les futurs papas sont aujourd’hui de plus en plus impliqués dans la grossesse de leur compagne : ils assistent de plus en plus fréquemment aux échographies, participent à certains cours de préparation à l’accouchement et à la parentalité, préparent matériellement l’arrivée de leur enfant, etc. Bref, ils prennent leur rôle très à cœur ! Et pourtant…
Baby blues…
« L’arrivée d’un bébé est aussi une nouvelle naissance pour le père lui-même. Il doit découvrir ses nouvelles fonctions de papa en résonance avec sa propre histoire personnelle, trouver ses marques et accepter de nouvelles responsabilités » poursuit Yveline Exbrayat. Résultat, tout comme pour certaines mamans, certains papas peuvent eux aussi connaître une période de baby blues et vivre un moment de déprime. Si le « maman blues » survient en général quelques jours après l’accouchement, celui des papas, le « papa blues » peut parfois surgir plus tard. « Fatigue, irritabilité, stress, impulsivité… autant de signes qui doivent vous alerter » souligne la psychologue. Si cet épisode de déprime ne dure que quelques jours et que tout rentre généralement rapidement dans l’ordre, aucune raison de s’inquiéter. « Cette étape est même normale » ajoute la spécialiste. « Il faut laisser le temps au papa de trouver sa place dans la cellule familiale, et pour cela, la maman doit pouvoir le soutenir et l’aider à prendre confiance en lui » insiste la psychologue.
… ou dépression ?
Perte de plaisir, insomnies, culpabilité, isolement, colères, manque de confiance, etc. Si ces signes persistent dans la durée ou s’accentuent pendant plusieurs semaines, voire plusieurs mois, soyez encore plus attentif à la situation car il s’agit peut-être d’une dépression post-partum. D’après une étude américaine*, le taux de dépression chez les pères serait au plus haut 3 à 6 mois après l’accouchement. « Si votre conjoint est concerné, essayez de discuter avec lui, de lui faire part de votre inquiétude, de lui demander ce qui ne va pas, sans le juger. Expliquez-lui que vous avez remarqué qu’il semblait fatigué, vite agacé, et que vous souhaiteriez l’aider » suggère Yveline Exbrayat.
Difficile toutefois de donner des statistiques précises car la dépression post-partum reste compliquée à chiffrer. Dans les faits, les papas peuvent être moins enclins à accepter de l’aide, ils se confient en général moins que les mamans. Selon une autre étude américaine**, entre 5 à 10 % des jeunes pères de 20-30 ans souffriraient de dépression dans les 5 ans suivant la naissance de leur bébé. Surtout, continuez à communiquer et proposez-lui de faire le point avec un spécialiste (psychologue, médecin traitant, groupe de paroles de pères, etc.).
Aussi, ce sujet ne doit pas être tabou car de nombreux pères sont touchés chaque année. Encouragez-le et soutenez-le : plus tôt aura lieu la prise en charge, mieux ce sera pour le bien-être des petits comme des grands !
* Paulson JF, Bazemore SD. Prenatal and postpartum depression in fathers and its association with maternal depression: a meta-analysis. JAMA 2010; 303(19):1961-9.
** Garfield CF, et al. A longitudinal study of paternal mental health during transition to fatherhood as young adults. Pediatrics 2014; 133(5):836-43.
Yveline Exbrayat est psychologue clinicienne à Orléans. Membre de la Fédération Française des Psychologues et de Psychologie. Elle travaille depuis plus de 10 ans en périnatalité, notamment en maternité et en néonatalogie. Elle exerce aujourd’hui en libéral et au sein du service de gynécologie obstétrique de la maternité du Centre Régional Hospitalier d’Orléans.
Témoignage
Luc, papa d’Adrien, 2 ans
« Deux ou trois mois après la naissance de mon fils, j’ai commencé à me sentir moins bien, je m’énervais facilement, je dormais mal et n’avais pas envie de m’occuper d’Adrien. J’ai réalisé que ma vie ne serait plus jamais comme avant car j’étais désormais responsable de ce petit bonhomme… Ma relation avec mon père a toujours été conflictuelle, je n’avais aucune envie de reproduire le même schéma. J’ai eu du mal à l’admettre, j’ai finalement décidé de consulter un psychologue avec le soutien de ma femme. C’est difficile d’accepter que l’on a tout pour être heureux, mais que l’on ne l’est pas, on culpabilise beaucoup. Cela fait un bien fou de tout déballer sans être jugé. Aujourd’hui, j’ai pris du recul et je crois que j’avais besoin de cette étape pour devenir père. »