Les 12 caractéristiques de l’enfant adopté
D’après un texte écrit en 1999, au Québec, par deux travailleuses sociales et mères adoptives, Michèle Bernier et Johanne Lemieux.
« Notre expérience en post-
1. L’instinct du survivant
Nos enfants par adoption sont tous d’extraordinaires survivants. Depuis leur conception, l’enfant adopté a survécu physiquement et émotivement à une longue série d’obstacles :
In vivo, il a survécu à une grossesse difficile avec comme possibilités : malnutrition de la mère, absence de suivi prénatal, stress de la mère, exposition à des contaminants (produits chimiques, alcool, drogue), exposition à des maladies infectieuses (sida, hépatite…).
L’accouchement a pu être difficile, avec des séquelles pour l’enfant et la mère, souffrance fœtale due à un travail trop long, manque d’oxygène, etc.
Les premier jours après la naissance : a-
La qualité des soins après l’abandon : y avait-
Le premier contact avec ses nouveaux parents : était-
Autant de questions qui jalonnent le chemin de l’enfant jusqu’à sa famille.
2. L’incomparable
Sans le vouloir les amis, la famille, certains intervenants de la santé, peuvent faire la vie dure aux nouveaux parents en comparant l’enfant adopté aux enfants biologiques : courbe de croissance, âge normal de la propreté, habiletés psychomotrices.
Or durant les premiers 6 mois après son arrivée, il faut se faire à l’idée qu’il sera « incomparable » : il ne correspondra pas à ce qu’un enfant du même âge né et élevé au Québec doit être. Il sera incomparable aussi car il se développera à un rythme extraordinaire, si l’on tient compte de son état au moment de l’adoption.
Ainsi comme parents, il ne faut pas se laisser déstabiliser par les remarques des autres. Il faut comparer son enfant à lui-
3. Les sommeils difficiles
Durant la première année ou plus, l’enfant adopté vit souvent et fait vivre à ses parents des nuits difficiles ! Refus de s’endormir, terreurs nocturnes, énurésie, cauchemars, sommeil agité… sont courants et prévisibles car la qualité du sommeil d’un enfant reflète sa santé physique et son état émotif. C’est la nuit que le cerveau se nettoie de ses fatigues et de ses émotions.
L’enfant adopté doit accomplir des tâches énormes durant le jour : apprendre une langue nouvelle, s’apprivoiser à des odeurs, des sons, des couleurs nouvelles, entrer en relation affective avec de nouvelles personnes, se laisser aimer, approcher, etc. Si cette réalité s’ajoute à son passé douloureux, il n’est pas réaliste de demander à un tel enfant de contrôler ses nuits agitées.
4. L’enfant Téflon ou Velcro ?
Lorsqu’il arrive dans notre vie, l’enfant adopté est généralement soit « velcro »,: il va s’accrocher désespérément à nous comme un bébé koala dans la fourrure de sa mère ; soit « téflon », il va sembler nous ignorer dans une relation très utilitaire.
L’« enfant Velcro » n’est pas attaché instantané et la relation n’est pas saine à long terme. L’« enfant Téflon » ne signifie pas que l’enfant ne s’attachera jamais.
Durant la première année, l’enfant sera fluctuant : parfois Velcro, parfois Téflon. Il ne faut pas s’inquiéter outre mesure durant les premiers mois, surtout si l’enfant a été adopté après l’âge de 12 mois. Par contre, si ces comportements perdurent de façon très intense plus d’un an, il faudra penser à explorer la possibilité qu’il s’agisse de symptômes de troubles plus ou moins graves de l’attachement.
5. La reproduction de leurs modèles de survie
Si votre enfant a des comportements étranges, hors normes, agaçants ou incompréhensibles, peut-
S’il se « brasse » pour s’endormir, c’est sans doute la façon dont il s’est « auto bercé » parce que personne ne le faisait pour lui. S’il se fait remarquer par de mauvais coups, il est possible qu’il ait obtenu l’attention des adultes seulement ainsi. S’il cache de la nourriture c’est qu’il en a manqué et n’est pas sûr d’en avoir demain.
Au lieu de voir ce comportement comme une nuisance, il faut l’accueillir comme une preuve de sa créativité, de son instinct de survie. Il faut ensuite le rassurer : il n’a plus à faire cela maintenant, vous êtes là pour répondre à ses besoins.
6. Le développement en escalier
Le développement physique, émotif, social et cognitif d’un enfant ne se fait pas de façon continue et linéaire. C’est encore plus vrai chez l’enfant adopté où rien ne semble évoluer puis « tout à coup » il se met à parler, marcher, manipuler des objets avec dextérité, etc.
Ceci parce qu’un enfant adopté arrive souvent très fragilisé dans ses besoins fondamentaux (manger à sa faim, boire, se sentir en sécurité physique, créer un lien de confiance et d’attachement avec ses nouveaux parents) et que la réponse à ces besoins est prioritaire. Les apprentissages (langage…) suivront.
Certains parents l’oublient et s’inquiètent du retard de leur enfant à l’école ou à la garderie. Il faut être patient ; le bonheur compte plus que la performance.
7. La phase de régression
Parce qu’ils ont très souvent été fragilisés dans leurs besoins fondamentaux, les enfants adoptés ont des phases où ils semblent perdre subitement leurs acquis, particulièrement en situation de stress ou de changement : ils vont recommencer à uriner au lit après un déménagement, faire des crises d’insécurité après un séjour à l’hôpital, oublier comment écrire, alors qu’ils sont en deuxième année, à l’arrivée d’un autre enfant dans la famille.
Ceci peut décourager un parent qui se sent fautif après tant d’efforts pour aider l’enfant à s’adapter. En général, ces phases de régressions ne sont qu’un pas en arrière pour prendre un élan afin de « sauter » plus loin. Mais il faut les décoder, les comprendre et ne pas se laisser abattre.
8. Le séducteur ou l’indifférent
L’enfant adopté est souvent très charmant voire même charmeur. Il sait attendrir et séduire les adultes… On peut supposer qu’il reproduit une formule gagnante dans le passé. Mais ce comportement peut être très superficiel et basculer dans l’indifférence si l’adulte veut créer trop vite une véritable intimité affective avec lui ; car s’il n’est pas prêt à vivre cette intimité, il repoussera l’adulte, ou pire deviendra carrément agressif. Cela peut dérouter : l’enfant demande de l’attention de façon charmante et nous repousse dès qu’on s’occupe de lui ! Il faut alors se rappeler que l’enfant a reçu une petite cuillère d’affection chaque jour avant son adoption, et qu’il peut se sentir étouffé noyé si on lui en offre un immense pichet d’un coup !
9. La peur exagérée du rejet et de l’abandon
La grande majorité des adoptés, grands ou petits, ont une sensibilité extrême face à toutes les situations où ils perçoivent une forme de rejet, ou pire un risque d’abandon. Des adultes adoptés très jeunes et qui ont vécu dans des familles aimantes, en témoignent régulièrement.
Certains ont des rêves récurrents où une personne chère ne vient jamais les chercher à l’école, après le travail, etc. Toute forme de critique même constructive peut être vécue comme un blâme, un rejet.
Tel autre a des difficultés à faire confiance, à aimer : je ne m’attache pas donc je n’aurai pas mal et il n’arrive pas à avoir de relation amoureuse durable car dès que le couple devient intime, il préfère rompre plutôt que de prendre le risque d’être quitté un jour.
Chez les jeunes enfants, cela peut se manifester par le besoin de toujours demander à quelle heure et qui viendra les chercher à la garderie ou à l’école, ou par le besoin que les membres de la famille soient toujours ensemble, dans la même chambre, dans la même voiture, etc. Et cela peut durer des mois ou des années.
10. La non permanence des choses
Tous les êtres humains envisagent le futur à partir de leur passé. Ainsi celui qui a été trompé par de nombreux amoureux aura beaucoup de difficulté à croire à l’amour, à l’engagement sincère.
Au moment de son adoption, un enfant a vécu au moins à deux endroits : avec sa mère biologique et ensuite dans son milieu substitut. Dans sa courte vie, il a été arraché à deux milieux. Le voilà maintenant dans un troisième ! Si le passé est garant du futur, il se dira que ce n’est que temporaire, comme les autres fois. Il y a donc un décalage énorme entre l’engagement et la certitude du parent, pour qui il est absolument certain que l’enfant demeurera toujours avec lui, et la perception de l’enfant qui s’attend à repartir un jour.
Il arrive ainsi que des parents soient perturbés parce que leur enfant leur demande sans cesse s’ils l’aiment ou parce qu’il est exagérément terrorisé lorsqu’on le dispute, même pour une petite faute.
L’enfant peut être fragilisé et anxieux devant tout changement. Il faut se rappeler que rien n’est permanent pour lui, ce qui l’angoisse. Il faut répéter notre amour inconditionnel et s’efforcer de stabiliser nos habitudes de vie.
11. La fragilité dans leurs besoins primaires
Il ne faut pas être dérouté par certains comportements qui perdurent chez les enfants ; ils sont simplement le signe de l’ampleur des blessures invisibles.
Si une enfant de 10 ans, adoptée à 18 mois, cache parfois encore de la nourriture, ce n’est que la douloureuse confirmation qu’elle a eu faim. Alors pourquoi ne pas lui offrir d’avoir toujours une barre tendre dans un tiroir de chambre par exemple ? Vous l’accueillez dans son besoin.
12. L’instinct du petit saumon
Le questionnement et la compréhension des origines varient selon l’âge émotif et mental de l’enfant puis de l’adulte. Ainsi la plupart des adoptés québécois ne font pas de demande de retrouvailles alors que la loi les y autorise depuis 1984.
Cependant, pour certains, ce besoin de savoir devient une quête vitale. Comme le saumon, ils sont prêts à se briser les nageoires sur les roches et à dépenser toute leur énergie vitale pour leur retour aux sources. Cette attitude est souvent interprétée par le parent comme un désaveu de la relation adoptive, comme un échec de l’amour mutuel ; il pense à tort qu’il va perdre quelque chose s’il laisse faire ou aide l’enfant à retourner dans son pays.
Certains parents veulent aussi éviter à l’enfant de souffrir, ou d’être déçu en cas d’échec de la quête.
Pourtant il faut que les parents se préparent à accepter cette éventualité. S’ils considèrent les parents biologiques comme faisant partie de leur vie en tant que personnes significatives pour leurs enfants, ils n’éviteront pas l’éveil de l’instinct du « petit saumon » mais le vivront d’une façon plus constructive.
Un refus de la légitimité de cette quête peut vraiment mettre en péril la qualité de la relation parent enfant, alors qu’une ouverture sincère peut l’enrichir. «