Le burn-out
Le burn-out maternel touche de plus en plus de mères, submergées par une fatigue à la fois physique et psychique dont elles ne parviennent pas à se remettre. Parce qu’elles cherchent sans relâche à tout bien faire, à tout contrôler, à être ces mères idéales qu’elles fantasment. Et s’y épuisent toutes leurs forces.
Tristesse, fatigue, anxiété, irritabilité… Et puis, un jour, des mots violents qu’on n’aurait jamais pensé dire à son enfant. Une gifle ou une fessée qui partent sans qu’on ait pu les retenir. Ce genre de passage à vide, nombreuses sont les mères à l’avoir vécu. Mais lorsqu’il dure, lorsqu’aucune issue ne semble se profiler, le petit surmenage se transforme en véritable burn-out. Ni baby-blues, ni dépression du post-partum, cet épuisement-là peut survenir n’importe quand. Comment avouer qu’on puisse penser, même un quart de seconde, jeter son enfant par la fenêtre ? Vouloir faire ses bagages et s’enfuir le plus loin possible ? Pourtant, accepter de pouvoir craquer, et de ne pas être la mère parfaite de nos fantasmes, est le seul moyen de surmonter cette crise que toute femme peut traverser un jour.
Car c’est bien cela, le « burn-out », terme jusque-là réservé à l’épuisement professionnel. C’est ce qui arrive lorsque des mères, à l’image de certains salariés, cherchent à atteindre cette perfection fantasmée, et y consument littéralement toute leur énergie, physique, mais aussi psychique.
Car plus elle cherche à tout réussir, plus tout lui échappe. Elle a alors l’impression de n’avoir assez de temps pour personne : ni pour elle, ni pour ses enfants, ni pour son couple. De ne pas s’en sortir. De courir en permanence. Y compris en vacances. Elle se sent incomprise, mal aidée, peu soutenue… Mais estime paradoxalement que la charge de maternage lui incombe sans partage. Elle n’arrive pas à déléguer, et se retrouve forcément dans l’impasse, et en souffre.
C’est la fatigue qui frappe en premier. Difficulté à se lever le matin, sentiment d’être vidée. Puis le quotidien devient mécanique, les gestes sont répétés machinalement, surtout ceux à l’attention des enfants. Pour essayer d’économiser ses forces, la mère prend ses distances, notamment sur le plan affectif, y compris dans son couple. Mais très vite, cet état second la ronge. Elle réalise qu’elle s’éloigne chaque jour un peu plus de ce rôle de mère parfaite qu’elle cherchait pourtant à atteindre. Elle se dénigre, se déconsidère, perd confiance.
Le seul moyen de se prémunir d’un tel épuisement, c’est de parvenir à faire le deuil de la mère parfaite. « Les femmes doivent pendre conscience de leur besoin de s’adapter à leurs responsabilités maternelles, ajoute-t-elle. Cela passe notamment par le fait de pouvoir déléguer, de partager leurs tâches et leurs responsabilités avec les pères. Les femmes, en acceptant que d’autres puissent s’occuper de leurs enfants, en sortant du fantasme de la toute puissance maternelle, ouvrent la voie à la co-parentalité. Et permettent ainsi aux pères de prendre leur place. »
Les causes émotionnelles
. L’impression de “perdre contrôle de sa vie” – Certaines femmes, surtout des mères tardives qui ont connu des carrières professionnelles, sont habituées à maîtriser tous les aspects de leur vie. Avec l’arrivée du bébé, une certaine part de chaos, d’incertitude s’introduit dans leur vie. Pour d’autres jeunes mères, c’est la succession de tâches domestiques jamais terminées et l’impossibilité de s’en “échapper” de manière spontanée qui paraît si contraignant.
. L’impression d’être en compétition avec d’autres femmes ou avec sa propre mère (à qui elle veut prouver soit qu’elle est capable de mieux faire, soit qu’elle peut faire exactement l’opposé) va mener à la frustration et à la déception. Parfois, lorsque la femme est trop perfectionniste, elle risque de paniquer si les réactions de son enfant n’entrent pas dans des cases bien définies. Or le bébé est un individu à part entière, ayant des rythmes et des besoins différents de ceux de sa mère.
. Un sentiment de culpabilité de ne pas être une “bonne mère” – Les mères aujourd’hui sont bien plus inquiètes de l’épanouissement de leurs enfants, de leur développement émotionnel, de leur environnement, que ne l’étaient leurs mères et grand-mères. Submergées d’informations parfois contradictoires, elles sont devenues dépendantes de l’avis des spécialistes et oublient leur instinct maternel et propre bon sens.
Les causes socio-économiques
. L’isolement ou le sentiment de perdre son identité de femme lorsque la jeune mère se retrouve seule à la maison – surtout si elle a une activité professionnelle très valorisante.
. Un déménagement juste avant la naissance du bébé, ou juste après si la jeune mère ne connaît pas son nouveau quartier et n’a plus son réseau d’amis, ainsi que la fatigue liés aux travaux du nouveau logement.
. Des tensions économiques et professionnelles, surtout si la femme doute de son aptitude à reprendre son travail, si le père est au chômage ou menacé de licenciement, ou si la situation financière du couple était déjà précaire avant l’arrivée du bébé.
Des réactions négatives du père
Si le père est trop perturbé, surtout s’il semble jaloux ou frustré, cela peut exacerber le sentiment de fragilité et l’insécurité de la mère.
Et si le burn-out est déjà là ? « L’épuisement ne se résoudra pas par magie, explique Maryse Vaillant. Parce qu’il n’est pas lié à leur personnalité, à ce qu’elles sont, mais à la situation matérielle du maternage, et à l’investissement psychique de la maternité. » Une bonne façon de s’en rendre compte est d’en parler avec d’autres mères, et découvrir qu’elles aussi connaissent, ou ont connu, le même désenchantement. « Le fait d’avoir des pensées négatives envers son enfant, l’envie de le jeter par la fenêtre, ou de s’en débarrasser, est très culpabilisant si l’on n’a personne à qui en parler, personne qui puisse nous dire : À moi aussi ça m’arrive, ça nous arrive à toutes. Si la seule représentation que l’on a est celle de cette mère parfaite que l’on fantasme, on se pense monstrueuse, anormale. Alors que toutes les mères vivent ce genre de pensées violentes. Et ce n’est pas parce qu’elles le pensent qu’elles vont passer à l’acte. »